Le remboursement des DMN de télésurveillance : quel encadrement juridique ?

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Le remboursement des DMN de télésurveillance : quel encadrement juridique ?

Le remboursement des DMN de télésurveillance : quel encadrement juridique ?

Le remboursement des dispositifs médicaux numériques de télésurveillance est apparu en France en écho à une culture et un usage de l’innovation Allemand très fort et précurseur. Ce modèle inspirant pour la France a conduit notre système, en 2022, à définir les modalités de prise en charge et de remboursement de ces activités de télésurveillance pour les professionnels de santé et les fabricants, jusqu’à leur extension en février 2024 aux sociétés de téléconsultation.

 

UN ENCADREMENT ET UNE PRATIQUE ISSUS DE L’INFLUENCE DE L’ALLEMAGNE, PAYS LEADER DE L’INNOVATION EN SANTÉ

La force de l’Allemagne dans la conception et la mise en œuvre de son action publique en matière d’innovation en santé réside dans deux systèmes socles qui sont l’existence d’un Mittelstand, moteur économique d’innovation et la création de la Digitale Gesundheitsanwendungen (DiGA), une règlementation sur le numérique en santé qui a pu inspirer la France dans ses récentes évolutions règlementaires.

Deux dispositifs ont ainsi permis à l’Allemagne d’accroître l’accès aux innovations en santé : tout d’abord, la loi AMNOG (loi relative à la restructuration du marché pharmaceutique) en 2011, permettant d’avoir un accès immédiat après l’autorisation de mise sur le marché, comprenant une prise en charge pendant un an dès que le dossier a été soumis et qu’il est en attente de l’évaluation par l’IQWIG (organisme allemand chargé d’évaluer la qualité et l’efficacité des traitements médicaux) et la décision du GBA (organe fédéral). Nous verrons que cette loi AMNOG et ses modalités sont très proches du programme PECAN mis en place par la France plus de 10 ans après.

Dès 2019, le législateur Allemand a ensuite prévu, en amont de ses voisins, la possibilité pour les patients d’obtenir un accès au remboursement des applications de santé numériques qui seraient prescrites par un médecin et qui auraient été identifiées comme « DiGa » (programme Digitale Gesundheitsanwendungen soit « soins de santé numériques »). Si cette initiative triplement portée par le ministère fédéral allemand de la santé, la Digital Medicine Society et le Health Innovation Hub peut poser question concernant une « sur-anticipation » de la règlementation avant que les preuves sur les effets positifs des applications numériques ne soient rendues et donc avant que tout retour d’évaluation de ces outils n’ait pu être effectué, elle permet néanmoins aux patients de bénéficier plus vite des potentialités des nouveaux outils.

En France, ce n’est qu’à partir de décembre 2022 que les premières modalités de remboursement des DMN de télésurveillance par la sécurité sociale sont apparues.

 

UN ENCADREMENT POUR LES FABRICANTS DE DMN EN CONSTANTE ÉVOLUTION EN FRANCE DEPUIS 2022

 

Depuis la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 20221, la France est venue encadrer ce qui constitue les activités de télésurveillance médicale et les conditions de leur prise en charge ou remboursement par l’assurance maladie, y compris dans les cas de prise en charge anticipée. En outre, dans sa section 11, codifiée à l’article L. 162- 48-I et suivants du code de la sécurité sociale, la loi encadre également les dispositifs médicaux numériques (DMN) de télésurveillance et leur remboursement par la sécurité sociale.

Ce texte a été précisé par un décret n°2022-1767 du 30 décembre 2022 décrivant les modalités de prise en charge pour les DMN de télésurveillance, inscrits sur la liste des activités prévues à l’article L. 162-56 du code de la sécurité sociale, chaque exploitant pouvant prendre l’initiative de la demande d’inscription. En ce sens, cet article dispose que pour obtenir cette prise en charge ou ce remboursement, les activités de télésurveillance médicale doivent être subordonnées à l’utilisation effective du DMN par le patient ou bien à l’obtention de résultats individualisés ou nationaux d’utilisation en vie réelle évalués sur le fondement des indicateurs tels que mentionnés au sein de l’article.

Cette obligation d’utilisation effective se couple à une obligation de recueil du consentement du patient, qui doit être recueilli et transmis par l’opérateur de télésurveillance et l’exploitant du DMN, conformément au RGPD2. L’absence de recueil de ce consentement fait obstacle à la prise en charge ou au remboursement de l’activité.

Dans les suites de cet encadrement de remboursement, les modalités de la prise en charge du programme PECAN ont pu être déterminées par un décret n°2023-232 du 30 mars 20233. La différence entre ces deux dispositifs de droit commun et de prise en charge anticipée résulterait de la maturité ou non des évaluations cliniques des DMN sollicitant un certificat de conformité. Codifiée au sein de l’article L. 162-1-23 du code de la sécurité sociale, cette procédure vise les DMN à visée thérapeutique destinés à une inscription sur la Liste des Prestations et Produits Remboursables (LPPR) ainsi que les DMN de télésurveillance médicale destinés à une inscription sur la Liste des Activités de Télésurveillance Médicale (LATM).

Dans ce contexte, les prescripteurs devront systématiquement indiquer que la prise en charge du DMN ou de l’activité de télésurveillance médicale a lieu de manière anticipée et dérogatoire, de sorte que le patient ait pleinement connaissance du caractère transitoire de cette prise en charge4.

Pour toutes ces procédures de remboursement, qu’elles soient ou non anticipées, il est nécessaire que chaque société obtienne un certificat de conformité avant de procéder à son inscription. Pour cela, elles devront déposer un dossier sur la plateforme CONVERGENCE (s’il s’agit d’une inscription en ligne générique, répondant ainsi à la liste des 5 pathologies – diabète, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire et prothèses cardiaques implantables) ou sur la plateforme EVATECH (s’il s’agit d’une inscription en nom de marque, lorsque l’activité présente un intérêt supérieur à celui du suivi médical conventionnel ou qui est équivalent ou supérieur à celui d'une activité de télésurveillance déjà inscrite).

Très récemment, un arrêté et un décret sont venus préciser les procédures de remboursement de la télésurveillance dans deux contextes :

- Par un arrêté du 23 février 20245, les activités de télésurveillance ouvrant droit à une prise en charge ou un remboursement ont été précisées concernant les activités de télésurveillance médicale relative aux patients porteurs d'un défibrillateur automatique implantable ayant une fonction de télésurveillance et aux patients porteurs d'un stimulateur cardiaque ayant une fonction de télésurveillance, désormais inscrites sous forme générique au sein du code de la sécurité sociale ;

- Par un décret n° 2024-164 du 29 février 20246, la délivrance de l’agrément pour les sociétés de téléconsultation a été mis en œuvre. Ce décret permet de préciser la procédure d’agrément de ces sociétés ainsi que les conditions dans lesquelles les actes de téléconsultation réalisés par les médecins qu’elles salarient font l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie. Il est toutefois précisé que les sociétés de téléconsultation ne peuvent pas facturer pour leurs activités prises en charge par l'assurance maladie d'autres prestations que les téléconsultations au patient. Au sein de la section 4 du décret, il est précisé que le patient ne peut être redevable à une société de téléconsultation, au titre des téléconsultations prises en charge par l'assurance maladie dont il a bénéficié, d'autres montants que ceux fixés par les tarifs conventionnels . Toutefois, les sociétés de téléconsultation peuvent proposer d'autres prestations optionnelles complémentaires à titre onéreux, sous réserve de l'information préalable du patient de leur caractère optionnel.

Si la France, leader en matière de télésurveillance se positionne aujourd’hui vers un remboursement généralisé des actes de téléconsultation, qu’en sera-t-il de l’évaluation en temps réel de ces nouveaux outils et du bénéfice attendu pour les patients ? L’encadrement permet, pour l’heure, un accès plus rapide de ces innovations aux patients dans le respect des règles de protection des données à caractère personnel.

 

1. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id JORFTEXT000044553428#:~:text=%C2%AB%20Elle%20vise%20 %C3%A0%20garantir%20le,mentionn%C3%A9e%20%C3%A0%20 l'article%20L.

2. En ce sens, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que le RGPD consacre le droit du patient à obtenir gratuitement une première copie de son dossier médical et que le responsable du traitement peut exiger un paiement uniquement lorsque le patient a déjà obtenu une première copie de son dossier et qu’il en fait à nouveau la demande (CJUE, 26 octobre 2023, n° C-307-22).

3. Décret n°2023-232 du 30 mars 2023 relatif à la prise en charge anticipée des dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique et des activités de télésurveillance médicale par l'assurance maladie au titre de l'article L. 162-1-23 du code de la sécurité sociale : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/ JORFTEXT000046849110

4. Arrêté du 25 oct. 2023, SPRS2328876A, pris pour l'application de l'article R. 162-118 du code de la sécurité sociale précisant les mentions devant figurer sur l'ordonnance portant prescription de dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique ou d'activités de télésurveillance médicale faisant l'objet d'une prise en charge anticipée numérique au titre de l'article L. 162-1-23 du même code.

5. Arrêté du 23 février 2024 portant inscription d'activités de télésurveillance médicale sur la liste prévue à l'article L. 162-52 du code de la sécurité sociale : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/ JORFTEXT000049205222

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/ JORFTEXT000049219351#:~:text=Il%20pr%C3%A9voit%20 notamment%20que%20les,que%20les%20 t%C3%A9l%C3%A9consultations%20au%20patient

6. Voir l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale concernant ces montants.