Au cours de la préparation de ce nouveau numéro de SIH Solutions Magazine, un article a suscité mon grand étonnement alors même que sa révélation était d’une banale évidence. Dans le journal Le Monde, daté du 9 novembre 2023, Théa Ollivier dressait le portrait de “Fatou Lo Niang, pionnière en intelligence artificielle au Sénégal”. Cette doctorante élabore une application pour prédire les risques cardio-vasculaires dans son pays. Mais elle s’est vite heurtée à un problème de taille. Dans la grande majorité des pays africains, rares sont les projets ayant recours à l’intelligence artificielle. Et les données disponibles sont elles aussi très limitées. « Nous n’avons pas de données africaines, nous devons nous baser sur celles qui viennent d’Europe ou des Etats-Unis. Mais nous ne pouvons pas prédire une maladie avec des données qui ne nous concernent pas ! », regrette Fatou Lo Niang dans cet article.
Avoir des données qui nous correspondent serait donc un privilège et non un postulat de base. Ce que nous avons tendance à tenir pour acquis dans nos contrées est loin d’être une réalité par ailleurs. Pour autant, sans données révélant la variété de la patientèle d’un territoire, impossible de faire tourner des algorithmes fiables. Dispositions génétiques, prévalence des maladies, caractéristiques physiologiques, contexte environnemental... autant de précieuses informations qui seront tronquées si elles ne représentent pas la réalité d’une cohorte.
Le cri d’alarme lancé par cette médecin sénégalaise, et sans doute partagé par de nombreux autres, doit nous alerter. Parce que la donnée est en passe de franchir un nouveau cap, il est plus que nécessaire de garder à l’esprit son discours. Aujourd’hui, l’intérêt de l’IA n’est plus à démontrer (voir notre article « 2041 : L’odyssée de la médecine », une mise au point sur l’IA, sur le livre du Professeur Bibault). Ses applications sont partout dans nos régions et son utilisation s’accélère. Pour cela, il faut veiller à ne pas oublier le trésor dont nous disposons pour en préserver toute sa valeur, dans le sens le plus noble du terme. Voilà pourquoi il nous faut élargir le panel des données collectées tout en les ordonnant, travailler sur leur structuration pour mieux les centraliser et les rendre disponibles, favoriser l’échange sans négliger d’encadrer ce partage. C’est à ce prix que nous bénéficierons de nouveaux progrès.
C’est tout ce que l’on vous souhaite pour cette année 2024...
Marion BOIS
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